L’harmonie des relations commerciales franco-polonaises est rompue par le fait que les contreparties françaises sont considérées comme des payeurs peu fiables et dilatoires qui ont tendance à ne régler les créances des créanciers étrangers qu’en dernier ressort.
Dans la plupart des cas, les dispositions du contrat conclu avec le partenaire commercial français imposent la compétence des tribunaux français. Dans ce contexte, il est difficile pour un entrepreneur polonais d’évaluer les chances de recouvrement de sa créance en France et les coûts liés à l’engagement et à la poursuite d’une procédure judiciaire en France.
Faut-il envoyer une demande de paiement à comparaître avant de saisir un tribunal en France ?
Oui, les tribunaux français exigent la preuve des efforts déployés pour parvenir à un règlement à l’amiable avec le débiteur (défendeur), sous peine de rejet de la demande. Parallèlement, l’absence de réponse du débiteur à la demande de paiement qui lui a été adressée avant le procès sera interprétée par les tribunaux français comme une preuve que la créance du demandeur n’est pas contestée.
Si les actions amiables peuvent être menées par le créancier (demandeur) seul, l’exécution judiciaire des créances nécessite toujours et déjà l’appui d’un cabinet d’avocats spécialisé en France.
Qui juge dans les tribunaux français et est-il nécessaire d’avoir un mandataire (avocat) dans l’affaire ?
Dans les tribunaux de commerce français, seuls des juges non professionnels, élus par les professionnels du monde des affaires, statuent. Ce n’est qu’en deuxième instance que l’on est confronté à une formation professionnelle de la Chambre de Commerce de la Cour d’Appel.
Lorsque la valeur de l’objet du litige dépasse 10 000 euros, les parties sont soumises à la contrainte d’un avocat (la dite partie doit être représentée par un avocat). L’avocat du demandeur édite la requête, qui est signifiée au débiteur (défendeur) par un huissier de justice payé par le demandeur (créancier). L’avocat du demandeur envoie ensuite la preuve de la signification de la déclaration au greffe du tribunal. Dès réception de la déclaration, le défendeur doit désigner un avocat, qui prépare et envoie à l’avocat du demandeur une réponse procédurale écrite avec ses preuves.
Dans les affaires dont la valeur est inférieure à 10 000 euros, les parties peuvent agir sans avocat. Dans ce cas, le procès a un caractère oral (il n’y a pas d’échange obligatoire de conclusions). En revanche, les preuves à l’appui de leurs prétentions doivent être présentées par écrit.
Est-il nécessaire d’être présent à une audience en France ?
En France, il n’y a pas d’interrogatoire des témoins ou des parties lors des audiences des tribunaux civils et commerciaux, mais le tribunal prend note de leurs déclarations écrites. Le témoin les rédige à la main sur un formulaire officiel spécial (CERFA), en y joignant une copie de sa carte d’identité. Ces déclarations sont ensuite présentées par les avocats des parties lors de leurs plaidoiries à l’audience, au même titre que le reste des preuves.
ATTENTION : Les tribunaux français ne tiennent pas d’audiences et ne procèdent pas au contre-interrogatoire des témoins par des moyens électroniques – tels que Microsoft Teams ou Zoom.
Les preuves écrites recueillies sont d’une importance capitale en raison du formalisme de la procédure – d’où l’importance de la phase amiable (pré-juridictionnelle) de la procédure. Doivent être soumis au tribunal : les copies du contrat conclu, les factures impayées et les preuves de leur envoi, les relances infructueuses (courriels, preuves d’appels téléphoniques, etc.).
Est-il nécessaire de produire des documents originaux devant un tribunal en France ?
Non. Un tribunal français n’exigera pas la production de documents originaux, sauf si l’adversaire en conteste la fiabilité. Toutefois, des traductions assermentées des preuves en français seront exigées (alors que certains tribunaux de commerce, en particulier dans les grands centres urbains, acceptent les versions anglaises des documents).
REMARQUE : dans les procédures judiciaires françaises, le principe dit de la forclusion des preuves (c’est-à-dire un délai pour la présentation des preuves, après lequel le tribunal ne les acceptera pas) ne s’applique pas. En France, de nouvelles preuves peuvent être envoyées à l’avocat de la partie adverse jusqu’à la fin du procès.
Combien coûtent les procédures judiciaires en France ?
Conformément au principe de l’accès à la justice, les frais de procédure sont limités à :
un droit pour les frais de l’huissier qui signifie la demande à la partie adverse à la demande du demandeur ;
les frais de justice pour l’introduction de l’instance, qui ne dépendent pas de la valeur de l’objet du litige et s’élèvent à 70 € (dans les tribunaux ordinaires, l’introduction de l’instance est exempte de frais de justice) ;
les frais d’éventuels constats d’huissier (par exemple, en cas de défaut d’établissement d’un procès-verbal de réception des travaux) ou d’expertise judiciaire (par exemple, en cas de contestation de la qualité des travaux réalisés) – si cette action est nécessaire ;
les frais d’avocat – déterminés contractuellement par les parties, en fonction des spécificités et de la complexité de l’affaire.
La juridiction ordonne le remboursement des frais de procédure [points 1), 2), 3)] à la partie perdante et a la possibilité de modérer le remboursement des frais d’avocat (point 4), en tenant compte des principes d’équité et de la situation économique du débiteur.
Combien de temps dure une procédure judiciaire en France ?
Selon la complexité de l’affaire et le type de procédure choisi par l’avocat du créancier (demandeur), la durée de la procédure judiciaire peut aller de quelques mois à plusieurs années. En général, dans les cas complexes où une expertise est nécessaire, la procédure sera plus longue.
Dans ce cas, il est conseillé de sécuriser d’abord la créance.
Quel est l’intérêt de garantir une créance ?
Avant d’entamer une procédure judiciaire, vous devez également penser à garantir votre créance, surtout si des créances d’une valeur importante sont en jeu et que la situation financière du débiteur est précaire.
À cette fin, il convient de demander au président du tribunal de commerce l’autorisation de saisir temporairement les comptes bancaires du débiteur ou une autre partie de son patrimoine. Si, à ce stade, le juge reconnaît la nature incontestée de la créance et la menace potentielle qui pèse sur son exécution ultérieure, l’autorisation de saisir les biens du débiteur est accordée avant même l’obtention d’un titre exécutoire.
Par la suite, toutefois, le créancier est tenu d’engager une procédure judiciaire dans le mois qui suit la mise en sûreté des biens du débiteur, sous peine de nullité de la procédure de sûreté (perte de la sûreté).
Lidia MAILLIET-WOZNIAK
avocate
Lidia MAILLIET-WOZNIAK
Avocat/adwokat
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